samedi 7 mai 2011

Des avoirs russes gelés en Suisse dans l'affaire Magnitski
ZURICH (Suisse) - La Suisse a gelé les comptes de l'époux d'une responsable du fisc russe suspectée dans le détournement de millions d'euros au détriment d'un fonds d'investissement occidental, dont le juriste Sergueï Magnitski est ensuite mort en prison, a affirmé vendredi le fonds Hermitage.

Nous avons été informés de sources proches de l'enquête que les comptes avaient été gelés, a déclaré par téléphone à l'AFP William Browder, patron du fonds d'investissements Hermitage Capital Management, qui vit à Londres après avoir été déclaré persona non grata en Russie en 2005. Selon M. Browder, les comptes gelés appartiendraient au mari d'Olga Stepanova, une responsable du fisc russe figurant dans l'affaire.

Le Ministère public suisse (procureur fédéral), contacté par l'AFP, a confirmé que les autorités helvétiques avaient ouvert le 7 mars une enquête contre inconnu portant sur des soupçons de blanchiment d'argent.

Une porte-parole du procureur fédéral a précisé que l'enquête a été déclenchée sur indication du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent. Cette organisation, qui dépend de la police fédérale helvétique, a reçu une plainte du cabinet d'avocats Brown Rudnick agissant sur mandat de Hermitage, a-t-elle précisé.

La porte-parole a cependant refusé de donner de plus amples détails, évoquant le secret de l'instruction.

Les déclarations de M. Browder faisaient suite à des informations publiées par le magazine américain Barron's, selon lesquelles le parquet suisse aurait pris des mesures d'urgence et gelé des comptes au Credit Suisse.

Le fisc russe a indirectement confirmé ces informations en déclarant vendredi que les comptes gelés appartenaient à des personnes qui ne sont pas membres de ses services.

Ces personnes ne sont pas actuellement des employés des services fiscaux, a déclaré le fisc russe à l'agence publique Ria Novosti.

Le fonds Hermitage Capital Management, qui a représenté les intérêts d'actionnaires dans des grands groupes semi-publics russes comme Sberbank et Gazprom, est au centre d'une vaste affaire d'accusations croisées de corruption et de fraude fiscale, qui a pris un tour dramatique en 2009 avec la mort en prison du juriste Sergueï Magnitski. Hermitage dit avoir été victime d'une machination orchestrée par des responsables de la police et du fisc russe pour détourner 5,4 milliards de roubles (plus de 130 millions d'euros) de fonds publics par la voie de remboursements de taxes.

Les fonctionnaires corrompus se seraient servis de documents obtenus auprès d'Hermitage, et falsifiés, pour se faire rembourser 5,4 milliards de roubles de taxes du fisc. Sergueï Magnitski, le juriste d'Hermitage, avait dénoncé cette machination. Il avait alors été à son tour inculpé pour fraude fiscale --par les responsables qu'il dénonçait, selon Hermitage-- et placé dans un centre de détention provisoire à Moscou pour le contraindre à renoncer à ses dépositions. Il y est mort à 37 ans, apparemment faute de soins.

A la suite de Sergueï Magnitski, le patron d'Hermitage et un autre juriste russe du fonds, Ivan Tcherkassov, réfugié à Londres depuis 2006, ont été accusés de fraude fiscale et des mandats d'arrêt ont été émis à leur encontre. Des vidéos placées sur l'internet sous le titre Les intouchables (www.russian-untouchables.com) accusent une série de fonctionnaires de police et du fisc de s'être enrichis de dizaines de millions de dollars dans cette affaire et d'afficher un train de vie équivalant à des centaines d'années de salaire. La responsable du fisc Olga Stepanova figure dans ces vidéos. Des dizaines de responsables russes ont été déclarés persona non grata par les Etats-Unis et l'UE dans le cadre de cette affaire.
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